On ne m’avait rien dit ce matin-là.  Tout était silencieux et si blanc. L’horizon se déclinait sous un rideau blanchâtre. Le soleil s’élevait doucement. D’une chaleur froide, il venait abîmer mes yeux. Et la route, droite. Toujours. Et brillante aussi. Mes mains étaient accrochées au volant. Les doigts gelés contre l’habitacle glacé. Les dents claquaient en attendant… Les vitres givrées ne laissaient rien parvenir jusqu’à moi. J’étais dans une chrysalide enneigée, et j’aime tant être au volant. M’imaginer roulant jusqu’à n’en plus finir. Jusqu’à n’en plus mourir. Jusqu’à n’en plus souffrir. Jusqu’en rire d’être nulle part. Mis à part.

Noël et les papiers cadeaux. Noël et les livres qui défilent. Noël et ses envies qui se bousculent. Je ne l’avais pas vu arriver depuis si longtemps. Je ne l’avais pas attendu depuis. Bien sûr, le 24. Bien sûr la bouffe, la famille et les cadeaux. Bien sûr. Bien sûr. Bien sûr qu’une soirée me ferait tout oublier. Jusqu’au lendemain. Bien sûr. Mais le 24 arrivait toujours comme par illusion. J’ai dressé un décompte de jours en pleine mémoire. J’ai amené le sapin jusqu’à la maison. Sortir guirlandes et boules de Noël. Et emballer. Encore. Toujours. Tout en ignorant tout ce qui se cachera derrière mon paquet. Je trépigne d’impatience. De savoir que mon premier présent sera certainement que quelqu’un m’attende sur le quai d’une gare à des kilomètres de chez moi. Tant pis si je n’arrive qu’une demi-heure avant les douze coups de minuit. Tant pis. J’y serais. Et s’il pouvait neiger. Je crois bien que ce serait mon premier Noël blanc.

Je reste bloquée sur le bouton publier. En attendant, ma hotte n'est pas encore pleine. Et je sais que. Demain sera ma dernière chance. Pour. Ne pas finir mes phrases laisse le temps en suspend. Ce midi, on s'est entraîné aux repas interminables de fin d'année. Fou rire lorsque j'ai fait répéter trois fois mon cousin. Hein? Hergé? Et ma soeur qui me dit! bah oui! Tintin et milou! Alors évidemment. Et affirmer entre deux rires que ça y est, c'est foutu. Plus jamais je n'aurais quatorze ans. A vrai dire, j'ai détesté passer par cet âge. Quand même.

Un jour. Demain. C'est un peu comme il était une fois. Rien n'est sûr. Rien ne se fait. Tout reste dans l'expectative. Dans l'infini du possible. On y croit. Mais toutes mes croyances se sont cassées la gueule sur le coin pointu d'une table. Ne me reste que les rêves. A vivre lorsqu'ils se présentent. Paradoxe. Oui. peut-être. Tant pis. Tant pis. Tant pis. C'est si difficile d'oublier le conditionnel. Je tente de me contenter d'un futur ou d'un présent. Mais. Ce petit mot qui empêche toujours d'affirmer mes paroles. Celui qui. Se faire l'avocat du diable. Et. Faudrait-il seulement que je puisse m'empêcher de me mettre à la place de la personne face à moi.

Je sais que toutes ces lettres se bousculent sans aucun connecteurs logiques. Je déblatère tout ce qui passe sous les doigts.

Souffler une douceur