Comme avant, comme hier, ces souvenirs là remontent. Ils parlaient de l'avant. De nos bêtises enfantines, et de nos premières paroles. Mon neveu dormait déjà et sous un regard d'ailleurs, je me suis retrouvée dans la cuisine de mes grands parents.

J'avais six ans. Sept. Huit. Dix. Papa et maman travaillaient encore. Au chaud dans le camion, ils revenaient sûrement de Versailles. Jour de marché, alors tu sais. J'avais dormi avec ma soeur dans ce lit où, immanquablement et malgré tous mes efforts, je me retrouvais toujours collée à elle du fait que le matelas ressemblait à un "u". Engoncée, oui. Les volets étaient fermés et on ne voyait pas le petit carré de jardin à l'arrière où poussait les fraises. Je me souviens très bien de comment c'était avant.

Il y avait les granges entourant la maison. Et sur la droite, un tout petit chemin, un passage secret presque pour accéder au muguet. Dans la cour, il y avait tout. Cane et canard, oiseau et chien. Je me faisais réveiller par Flore qui sautait sur le lit. On poussait un cri de surprise avant de se mettre à rire: la chienne s'installant souvent entre nous deux. Et parfois, blottie contre, on était bien.

Je me souviens aussi de ma grand-mère m'aidant à faire une cabane sous la table de la chambre. Elle sortait drap et couverture. Je jouais un certain temps. Et après. Le bruit des casseroles m'attirait automatiquement vers la cuisine. C'était l'heure de faire la purée rose. C'est un de mes meilleurs souvenirs d'hier, cette purée rose. On m'installait à genoux sur la chaise. On me tenait la casserole et moi, je tournais la manivelle. J'en ai passé des heures à le faire. On avait faim avant que nos parents rentrent. 14 heures pour des petites filles, ça fait long à attendre.

Après manger, sur la table rouge, on sortait le yaourt et tout le reste. Entre ma soeur et moi, chacune avait le droit à une mesure. Elle versait l'huile et cassait les oeufs. A ce qu'il paraît parce que c'était elle la plus grande. Je vidais le sucre et découpait les paquets de levure et de sucre vanillé. On mélange et hop. Entre cuillère et plat, il fallait choisir. Alors, chacune son tour.

Et on le voyait arriver ce long camion blanc. Abandonner tout ce que je faisais pour courir vers maman. Papa baissait le hayon, et qu'est-ce que j'ai pu jouer à monter et descendre. Lorsqu'il était vide, c'était trop bien. Mais il était mieux avec les caisses de fruits et légumes dedans. Je pouvais m'inventer des remparts et des histoires de chevalerie. Après, il fallait rentrer pour faire les devoirs.

Souffler une douceur