Je suis morte à cinq ans. Aujourd'hui, c'est le sentiment que j'ai. Je n'étais pas dans cette voiture, je ne me rappelle même plus que j'aurais dû y être. Mais le fait est que j'aurais du. Mes premiers mots sont donc faux. Je suis morte à cinq ans. L'enfant que j'étais a disparu ce jour-là. Je ne m'en rends compte que maintenant. Mes premiers souvenirs propres sont ceux-là. Ce fameux jour de février, en rentrant à la maison. C'est net comme aucun autre. C'est maman dans les bras de mon père à côté du téléphone. Les mots qu'ils disent et ma soeur qui se met à pleurer. Moi, moi, je ne comprends pas grand chose. Alors j'ai fait ce que seuls les enfants peuvent faire. J'ai rejoint l'accolade familiale. Et puis, j'ai continué à vivre. A rire, à pleurer, à crier et à prendre soin de ma maman. Sans y faire attention. Parce que j'aurais pu ne pas être là et j'y étais. Sans en avoir aucune conscience. Ce sont mes seuls souvenirs propres de ma grand-mère, ce jour-là en rentrant de l'école. 1992. Je suis morte à cinq ans. La petite fille autoritaire, directive et pleine d'assurance que j'étais a disparu cette année-là. Et je ne m'en rends compte que maintenant. Il y a dix-sept ans, j'étais dans cette voiture. On l'était tous, il me semble. Ensuite, tout a été mieux. Tout a été pire. La jolie famille s'est disloquée. C'est comme un constat. Il y a presque prescription sur cet état. Cà en devient moins douloureux.

Souffler une douceur