Il y a des nuits où les yeux ne se ferment plus. Malgré la fatigue, malgré tout. Les yeux ne se ferment pas. Puisque les volets jouent leurs propres mélodies, que les tuiles jouent des claquettes, que le vent fait danser les branches des arbres. Et les nuages défilent à t'en donner le tournis. C'est ce qui m'a le plus impressionnée lundi nuit. J'avais beau regarder la lune, sans arrêt, sans arrêt, les nuages me la cachaient.

     Jeudi nuit, j'ai eu beau vouloir guetté la neige tomber à nouveau. Je l'ai ratée. A six heures, tout était blanc. Une heure et demie plus tard, ça l'était encore. Trois. Ou quatre fois cette année. Je ne compte plus les hivers où il a tant neigé. Ou tant de fois en trois mois, le blanc est venu jusqu'à moi. Ce vendredi matin, j'étais la première. La première à sortir de la maison. J'étais la première à déposer mes empreintes et je souriais bêtement. Au bruit de la neige sous mes pas. A mes seules empreintes sur le chemin. J'étais un peu seule au monde, ce matin-là.

     Et puis, il y a la glace qui veut te prendre par surprise. A tout prix. Alors doucement, tu vois défiler le paysage. Parfois, les roues partent à droite. A gauche. Il suffit de raffermir l'emprise des mains sur le volant. Et de garder le cap. Alors, je me suis imaginée tenant la barre de mon tout petit navire. Je freinais en continu avant les descentes. De loin, je guettais les voitures au rond-point. Il y en avait deux sur le terre-plein. Sculpture contemporaine. Le sol scintillait. Et je trouvais ça joli. La route brillait par endroits. Et je m'extasiais.

     Trois fois cette semaine, je me suis sentie seule. De cette solitude qui te fait dire que si, tu y arriveras. Que tout ira bien. Que tu n'as pas le droit. Oh non! Pas le droit de craquer avant d'avoir atteint ton objectif. Le sommeil, la voiture, le travail. Trois fois en une semaine, elle est venue. Juste venue m'accompagner. M'encourager presque. Trois fois cette semaine je n'ai eu que moi sur qui compter. Et j'ai tenu le cap, tu vois.

     Les jours se rallongent. Le bleu est encore là après 18 heures. Et c'est reposant.

     J'ai écrit que tout semblait reprendre sa place. J'ai écrit qu'il semblait que je sois prête. A faire face à tout ce qui se présente. Pour les inattendus on verra. Pour les périodes de crise et de doute aussi. On verra. Mais il semblerait que tout se soit remis en place. Et que je sois enfin prête à me mettre sérieusement à travailler mon futur. Et à le concevoir un peu plus approximativement.


     Et si l'on revient souvent sur ces paroles, rarement, j'efface ce qui est écrit.


Souffler une douceur