Je tape mes textes en avance. Je me projette dans les états dans lesquels je pourrais être. Parfois ça tombe juste. Souvent à côté. Je n'ai plus l'envie pourtant de tout recommencer. Je me vis à l'avance. Tout est tellement quotidien que ce soit demain ou dans une semaine, la journée se sera écoulée sous les mêmes attentes. Alors à quoi bon? Autant le soigner.

Il a fallu choisir les affaires soigneusement pour les oraux. Travailler les sourires et décider si oui ou si non, il y aurait du noir sur les yeux. Je me riais, seule, devant mon miroir. A définir une autre personne que moi. Il me fallait ça, je crois, pour rentrer dans le rôle. On m'évalue et j'ai pris soin d'être une autre. Les cheveux attachés? Ou non? Chemise ou tee-shirt? Bijoux ou pas? J'ai éloigné les colliers. Ils auraient risqué de montrer mon insurance.

Menteuse.

Une chose utile apprise en deux ans. Mentir. Et tout tirer à son avantage. Se protéger pour ne subir aucune foudre. C'est lâche. Mais le comique de répétition n'a jamais existé pendant ces deux ans. Face aux clients. Reporter la faute sur de parfaits inconnus. J'ai appris les yeux innocents et les sourires navrés. L'air attentif et la grimace indignée.

Moduler ses traits à satisfaire les autres.

Comédienne.

La ligne 9 ne me verra plus. Je me le suis promis. Juste. Je n'en peux plus. La gare Saint-Lazare s'est éloignée une dernière fois. Je m'étais habituée au train de 14h20. Le joli, le tout neuf. Celui avec le canapé.

Les examens. Les derniers. Sont finis.
Résultats dans dix jours.

On reprend le chemin de la librairie. On reprend le chemin et je tente d'oublier le temps jusqu'au 10.

Souffler une douceur